J’ai enfin visité l’incontournable musée la Piscine, installé dans l’ancienne piscine municipale de Roubaix des années 30′, célèbre pour son magnifique style Art-Déco.
Et je n’ai pas été déçue : le décor est magistral !
Découvrez les expositions temporaires de la saison estivale de l’un des plus beaux musées de la métropole de Lille et d’un lieu qui fut considéré pendant plus de cinquante ans comme la «plus belle piscine de France» !
Sommaire
Musée la Piscine de Roubaix ou le musée d’art et d’industrie André-Diligent
Quand on visite le musée la Piscine, certaines questions nous viennent irrémédiablement à l’esprit : pourquoi cette magnifique piscine est-elle devenue un musée ? Pourquoi la piscine municipale de notre quartier est-elle si laide en comparaison ?
Bref, on ressort de la Piscine avec un sentiment paradoxal : à la fois sous le charme du lieu et en même temps frustrée de n’avoir jamais trempé son maillot dans un tel décorum de rêve…
Avant de vous présenter les 3 expositions temporaires, un petit rappel historique s’impose…
Construite par l’architecte lillois Albert Baert dans un style art déco, la piscine municipale de Roubaix ouvre en 1932 et offre un équipement sportif et un service hygiénique. Elle devient rapidement un lieu de rencontre et de mélange des classes sociales entre la bourgeoisie et la classe ouvrière qui se déplaçait pour accéder aux bains. Car rappelons-le, les courées (habitat ouvrier dans le nord de la France) n’étaient pas équipées de salle d’eau. Seule piscine olympique de l’agglomération, la Piscine fut rapidement un succès.
Mais elle ferme du jour au lendemain en 1985 au grand regret des Roubaisiens car le toit risque de s’effondrer. Conscient de l’attachement des roubaisiens pour cette piscine, le maire de l’époque André Diligent décide de la transformer en musée plutôt que de la démolir. Ainsi, les roubaisiens retrouvent la piscine de leurs souvenirs. Elle réouvre en 2001 et s’agrandit de 2300 m2 d’espaces supplémentaires.
Aujourd’hui, la Piscine, ou musée d’art et d’industrie André-Diligent, est un musée qui présente des collections de peintures, sculptures et céramiques, textiles et modes. On y trouve également une boutique ainsi qu’un restaurant-salon de thé de la maison Méert de Lille.
Musée incontournable de la métropole lilloise et de la Région Hauts-de-France, la Piscine développe une riche et dynamique programmation d’expositions temporaires organisées autour de trois saisons annuelles
La somptueuse aire de baignade couverte…
Déjeuner chez Meert à La Piscine
Meert est une institution à Lille. Et c’est dans l’ancienne buvette des nageurs que s’est installée la fameuse enseigne gourmande. Nous avons goûté une pastilla de poulet et légumes.
Mais c’est surtout la fameuse gaufre de chez Meert qui restera gravée dans ma mémoire. Et pour cause, c’est unique !
Exposition Paul Hémery (1921-2006) : la lumière en liberté
La Piscine propose une rétrospective consacrée à Paul Hémery, afin de découvrir ou de re-décourvir l’une des grandes figures artistiques du Nord de la France après guerre et son œuvre dans toute sa complexité.
Ce peintre abstrait-paysagiste du Groupe de Roubaix éveilla la région Nord-Pas-de-Calais à l’art contemporain pendant les Trente Glorieuses. Artiste méconnu et sous-estimé de l’après-guerre, il a non seulement joué un rôle moteur dans la vie artistique de sa région mais a aussi contribué à enrichir le catalogue du musée la Piscine.
Apprenant en autodidacte, loin des écoles, au sortir de la guerre, tout en excerçant dans la fonction publique, ses premières peinture se font au contact de la lumière et de la nature, près de Bruges.
On y découvre un artiste qui se renouvelle sans cesse selon son lieu de création, avec ses premières oeuvres figuratives représentant la vie dans les courées, puis influencé par le cubisme, il peint une série de toiles à mi-chemin entre figuration et abstraction, sans oublier des paysages du nord lumineux et sombres mais aussi des portraits et autoportraits.
Alternant entre figuration et abstraction, son œuvre tend surtout à restituer une lumière et une atmosphère.
De toutes ses facettes, c’est le pastelliste que j’ai préféré. Ses « paysages mentaux »- comme il les appelle – dégagent autant de beauté que d’angoisse et de mystère. Ses oeuvres m’ont interpellé, notamment « Les murs de le nuit n°1 et 2 » (1980), « Horizon perdu » (1981)…
Parmi ses oeuvres datant après les années 70′, j’ai aussi un coup de coeur pour cette peinture à l’huile « Vendémiaire, paysage gris« , de 1976.
Une exposition riche en diversité où la monotonie n’a pas sa place…
Germain Hiserlj, historien de l’art, commissaire scientifique et général de l’exposition présente la série d’autoportraits de Paul Hémery et un portrait de l’ami de l’artiste, Michel Delporte au centre
La fête du Printemps, 1969
En 1969, il fait la rencontre de deux mécènes Anne et Albert Prouvost qui lui proposent un atelier dans la Ferme des Marguerites sur leur domaine (devenu un lieu d’exposition nommé Le centre artistique de Bondues-Marcq).
En 1970, ils lui font la commande d’une décoration monumentale de 100m², La Naissance de la lumière, peinte et installée dans les ateliers du Peignage Amédée Prouvost à Roubaix. Cette année-là, Hémery quitte son travail de policier pour se consacrer à son art. Fasciné par la collection de minéraux du couple Prouvost, il s’en inspire pour créer des toiles abstraites qui signent le début de sa période minérale présentée en 1972 à la galerie Bénézit à Paris.
Mon coup de coeur : « Vendémiaire, paysage gris », Paul Hémery
La fameuse série de pastels. Malheureusement, la salle d’exposition bénéficie de peu de lumière et les photos ne rendent pas justice à la beauté de ces oeuvres picturales. Il faut voir sur place !
Exposition Mado Jolain (1921-2019) : côté Maison, côté Jardin
Les amateurs de céramique seront ravis de découvrir l’œuvre de Mado Jolain, une artiste céramiste qui a compté dans le renouveau de la céramique des années 1950-1960 !
Sa production séduit par sa modernité, son décor graphique, et ses volumes audacieuses et irrégulières.
Si ses premières céramiques donnaient dans le figuratif populaire et les figures religieuses de son époque, la céramiste préférence les formes utilitaires et originales, comme le démontre le Vase Pichet à poignée (1955) qui fait mouche avec son habillage moucheté…
Mado Jolain a créé un univers reconnaissable avec ses cols pincés, ses panses drapées, ses anses protubérantes ou trouées. Une même attention soignée est portée aux décors, elle incise ses œuvres de scarifications ondulantes, appose des motifs mouchetés proches d’une gestuelle d’action painting ou esquisse à grands traits des portraits stylisés.
À la fin des années 50, Mado Jolain s’installe avec sa famille sur les bords de la Marne, à Champigny. Avoir un jardin l’inspire et lui fait prendre une autre direction. Dès lors, elle crée des jardinières et des cache-pots en céramique enrobés d’un émail monochrome jaune ou vert anisé, puis des engrenages et des fleurs céramiques. Elle les agrémente de stries et de perforations qui captent la lumière. Son travail s’inscrit dans l’esthétique des années 60 qui voit s’affirmer la mode du grès…
J’ai adoré cette sélection dont la scénographie a largement contribué à mettre en valeur les pièces.
La céramique extérieure de Mado Jolain
Dans les cabines du musée, la scénographique atypique met magnifiquement en valeur les céramiques sur des fonds monochromes
Le fameux vase pichet à poignée (1955)
Exposition Anouk Desury : les poings ouverts
Jeune photographe de 28 ans, l’oeuvre d’Anouk Desury s’inscrit dans la lignée des photographes humanistes.
Pendant son BTS Photographie, elle découvre la ville de Roubaix, sa ville désormais «de cœur et d’adoption» mais aussi d’inspiration.
En effet, en 2017, la photographe entame un travail de mémoire auprès des habitants d’un quartier populaire en cours de rénovation, puis elle suit le combat d’une famille d’immigrés venue guérir un père ancien champion de boxe devenu hémiplégique, et en 2020, elle capte la pandémie à l’échelle du territoire roubaisien. Le reportage fait l’objet d’un ouvrage « Une évidence, malgré tout », publié par l’agence photographique et maison d’édition Light Motiv.
En 2023, toujours avec le concours de Light Motiv et l’association SOLFA (Solidarité Femmes Accueil) à Lille, Anouk Desury porte un regard bienveillant sur six femmes, six parcours, victimes de violences. Ses photos saisies sur le vif sont publiées sous forme de recueil d’images et de textes écrits par Samira El Ayachi : « Ce soir je prendrai soin de moi ».
La Piscine présente dans ses cabines et dans la salle consacrée à l’Histoire de Roubaix : « Les poings ouverts » . Un reportage intime sur trois jeunes boxeurs (Aziz, Djamal, Moustapha) et une boxeuse (Shaïna), de Roubaix, saisis dans leur environnement immédiat, leur entrainement, mais aussi leur lieu de vie…
En 2021, Anouk Desury est lauréate de la plus grande commande publique photographique d’Europe pour « Les poings ouverts », exposée au musée la Piscine
La série est aussi présentée à la BNF dans l’exposition « La France sous leurs yeux ».
La boxeuse Shaïna Monier
L’Art dans Tout
Dans la partie exposition permanente, un nouvel espace a vu le jour au début de l’été : « L’Art dans Tout« . Cette nouvelle séquence est appelée à évoluer au gré des acquisitions, en prévision d’un agrandissement du musée, visant à promouvoir l’héritage industriel et textile de Roubaix, dans un mouvement contemporain et solidaire.
Pour rappel, « L’Art dans Tout » est un mouvement artistique (1896 à 1901) qui remet en cause les hiérarchies entre arts majeurs et arts mineurs, entre arts décoratifs et beaux-arts et le cloisonnement entre la production artistique, la production artisanale et la production industrielle. Il encourage les artistes à s’investir dans l’aménagement intérieur, le mobilier et les objets utilitaires de la vie courante. Il introduit dans l’environnement quotidien une part de beauté.
Ainsi, la Piscine dédie un espace à l’exposition des arts appliqués, liant artistes et artisans et présente ce jeu d’aller-et-retour entre ses collections décloisonnées : peinture, sculpture, textile, mode, art décoratif, design …
En 2023, le musée acquiert une armoire exceptionnelle créée par plusieurs artistes (avec la contribution d’Auguste Rodin), soutenue par divers mécènes et organismes publics.
A gauche, l’achat en 2023, d’une exceptionnelle armoire conçue par C. Olinger (dessinateur du modèle), fabriquée par Mathias Ginsbach (ébéniste), avec une contribution remarquable d’Auguste Rodin (1840 – 1917) exécutée par Ernest-Eugène Hiolle (1834 – 1886), est un nouveau signe fort d’affirmation de cette singularité dans le paysage muséal français. A droite, le bar d’Alexandre Noll (1946), sculptée dans une Bille de hêtre
Au fil des années, la Piscine a su se forger une réputation, rayonnant au-delà des frontières.
Que vous soyez amateur d’art ou non, vous ne resterez pas insensible à ce voyage dans le passé, témoin d’une époque révolue...
Infos pratiques « La Piscine«
Site : roubaix-lapiscine.com
Accès : La Piscine se fait facilement en transport en commun depuis le centre-ville de Lille. Il faut compter 30 minutes de métro.
Horaires :
mardi à jeudi : 11h à 18h
vendredi : 11h à 20h
samedi et dimanche : 13h à 18h
Fermeture le lundi, le 1er janvier, le 1er mai, le jeudi de l’Ascension, le 14 juillet, le 15 août, le 1er novembre et le 25 décembre.
Tarifs
Hors exposition : Plein : 9€ / Réduit : 6€
Si exposition : Plein : 11€ / Réduit : 9€
Durée : 2 à 3 heures
Expositions à voir : Paul hemery : 22 juin- 1er septembre 2024 (visitée guidée pour les individuels chaque samedi de 16h à 17h, inscription 30 min avant la visite dans la limite des places disponibles, se renseigner pour les visites en groupe auprès du musée)
Mado Jolain : 22 juin au 12 janvier 2025,
Anouk Desury : 22 juin au 29 septembre 2024,
l'Art dans Tout à partir du 22 juin
Réinterprétant dans un esprit néobyzantin, le plan des abbayes cisterciennes, le bâtiment s’organise autour d’un jardin claustral. La grande nef basilicale du bassin, éclairée de vitraux qui symbolisent le soleil levant et le soleil couchant, tient lieu de chapelle abbatiale.
Les sculptures imposantes qui habillent le bassin
A intervalle régulier, la Piscine diffusent des rires des nageurs de l’époque, mêlés aux bruits des plongeons. C’est assez surprenant la première fois…
Les sublimes verrières surplombant le bassin