Saoulés.
Que ce soit d’alcool, de frustration, d’ennui ou de fatigue, on l’est tous à des degrés différents…
Le confinement nous tape tous sur le système. Et nos jugements sont altérés.
Un article délibérément subjectif écrit sous l’influence de mes nerfs et de mes insomnies.
Sommaire
○ Confinement à Paris ○
J’en ai marre du manège des sept mouches qui jouent les derviches tourneurs sous le luminaire de ma chambre. À se demander si mon voisin du dessus a crevé.
Mais non…
Il m’a appelé.
Une voix que je n’avais jamais entendu d’ailleurs. Comme beaucoup d’autres qui se sont bousculées au combiné…
Eh oui… Un patron en moins sur le dos des employés égale une croissance exponentielle d’appels longues durées. Les gens travaillent plus ou moins et s’ennuient inéluctablement. Alors ils vous appellent pour passer le temps, prétextant vouloir des news alors qu’en fait ils s’EM-MER-DENT ! Les sans-gêne poussent le vice jusqu’aux appels vidéos. La définition de l’image est déjà dégueulasse, ajouté au fait que t’es pas maquillée, lavée, réveillée, on kiffe l’intrusion totale dans ta vie privée.
Toute l’année, ils s’abstiennent et là boom : après le baby-boom, le call-boom ! Un jour j’ai été gentille. Résultat : j’ai perdu trois bonnes heures au téléphone à écouter les jérémiades des uns et les conseils des autres pour lutter contre le Covid-19 et me faire engueuler si je leur donnais pas raison. Impossible de bosser (je passe plus de 8 heures par jour derrière un écran depuis 1 an. Mon rythme n’a pas changé). J’ai perdu une matinée de travail, je suis sortie lessivée et déprimée de la conversation. J’ai des irruptions cutanées rien qu’à l’idée de décrocher pour établir une communication fatalement anxiogène. Bref, je ne supporte plus le téléphone. Je deviens autiste.
J’en ai assez de lire dans la presse des témoignages d’amendes abusives de flics zélés ou idiots aux : petit copain qui va chercher les serviettes hygiéniques à la place de sa belle mise KO par ses règles, celles qui vont acheter un test de grossesse, l’homme de 91 ans à qui on a imprimé des attestations car il ne connait rien aux appli et qui barre la date de ses attestations pour les conserver pour faire ses 300 mètres de marche, les saisonniers qui vivent dans leur van et se retrouvent prisonniers et confinés sur des parking à la demande de la mairie mais qui se prennent quand même une amende par la gendarmerie, etc., etc.
Je suis irritée par les gens qui reviennent de leur sortie pour se plaindre que les autres sont sortis. Ils sont agacés par des comportements qu’ils ont eux-mêmes, jugeant hâtivement ou touché par le biais cognitif. Criant à l’incivisme ambiant, vous l’avez déjà lu ou entendu : « Je suis choqué par le nombre de personnes dans les rues ! Regardez tous ces gens qui respectent pas le confinement et profite du soleil ! C’est choquant ! «
Et toi tu faisais quoi dehors ?
Ils me font penser à cette citation de Pierre Dac :
Quand on voit ce qu’on voit, que l’on entend ce qu’on entend et que l’on sait ce que qu’on sait, on a raison de penser ce qu’on pense.
D’une on a le droit à une heure par jour et deux si ces gens préfèrent prendre l’air que de passer leurs nerfs sur une des personnes de leur lieu de confinement ou péter un câble en société, moi ça me va. Et si ils vivaient dans des appartements étroits ou insalubres avec des enfants démoniaques ?
Et puis sans déconner : tu vois 50 personnes dans la rue et c’est un jour comme les autres ? Paris compte deux millions d’habitants et tu es choqué de n’être pas seul dans la rue pour faire tes courses ? Sachant qu’en plus un parisien sur six s’est barré, que les gens ne sont pas à leur bureau et que Paris accueille 40 millions de touristes par an qui ne sont donc pas là et toi sincèrement, tu as l’impression que c’est un jour de 2019 ?
T’es parisien ou marseillais ?
○ Les injonctions ○
Je pense à tous ces amis et néo-coachs du lockdown qui vous somment de faire du sport, du yoga, de manger sainement, de ne pas se relâcher ou de s’épiler. Chacun fait ce qu’il veut avec son corps. Mais y a rien à faire, il y en a toujours un ou une qui vous envoie un message : « RV tel jour telle heure pour un live abdos en acier et fesses à la Beyoncé« .
Je suis lasse de me sentir obligée d’applaudir à 20h00. C’est politiquement incorrect d’écrire ça. Je ressens de la culpabilité si je ne me lève pas pour applaudir, peur du regard des voisins qui remarquent mon absence. Mais il y a des jours où le cœur n’y est pas ou je n’ai pas envie de m’arrêter en pleine activité. Ce qui était un élan du cœur au début devient une routine forcée…
Je suis saoulée des chaînes de « l’amitié » ou « solidarité » sur les réseaux où on te mentionne à la vue de tous pour te demander de relayer, changer ta photo, poster ta photo enfant, participer à des questionnaires ego-centrés (les mêmes qui te disent que Facebook est une violation à la vie privée), de générer des attestations d’autorisation de sortie, de patienter dans les longues files d’attente, d’attendre tout court, d’entendre le spot télévisuel « Alerte coronavirus » et l’injonction suprême : « Restez chez vous« …
Ça m’énerve…
○ Les personnalités ○
J’ai été agacée de voir des célébrités tout sourire dans leurs piscines ou jardins nous marteler de rester chez nous…
Si au début du confinement, j’applaudissais les initiatives spontanées de certaines personnalités sur leurs réseaux sociaux (Goldmann, Mylène Farmer…), aujourd’hui je sature de leur passage à la télévision. Leurs apparitions me semblent moins naturelles, sûrement poussées par un désir d’auto-promotion plus qu’un geste de solidarité. Un mois après la vague ça fait « Tiens prenons le train en marche, montrons-nous pour notre image !« . Pareil pour les spots où les stars congratulent les soignants « Tous ensemble, bravo !« . Ça fait plus autopromo que marque de sincérité désintéressée.
J’en peux plus des émissions de TV où les animateurs et invités sont en visio-conférences chez eux. Et parlons-en de la nouvelle pastille « Au secours, bonjour! » sur France 2. Cinq minutes de détente confinée qu’ils disent. Les dialogues sont plats, un peu forcés donc pas très drôles, parfois mièvres, sonnent faux. Autant d’acteurs connus, même très très bons, des comiques et des show-man qui se retrouvent à débiter des platitudes censées nous faire rire ou au moins sourire. Ça me déprime…
Je préfère mille fois la créativité des artistes méconnus que ces « Au secours…« . Je pense au duo Creustel, les Caractères, Paolo Camili, ana.godefroy, les anonymes, les familles, ou les initiatives « maison » des personnalités connues comme Pierre-Emmanuel Barré ou Edouard Baer. Mais aussi les snack content comme les défis Tik Tok, ceux du Getty museum, etc.
Le format télévisuel doit certainement m’agacer. Qu’une institution divertisse, rebondisse sur une crise sanitaire dans laquelle on est en plein dedans en créant des scénarios de vie où les acteurs jouent, j’ai du mal. Quelque chose me dérange. Alors qu’un média comme le web – plus apte à réagir promptement à une situation, de façon spontanée et sincère, en adéquation avec les attentes du public – s’est dépassé en terme de contenus bienvenus, créatifs, réconfortants et désintéressés. Peut-être parce que ces personnes sont dans leur vraie vie et transcendent leur quotidien avec une certaine fraîcheur revigorante. Ils sont proches de nous, on s’identifie…
○ Les réseaux sociaux ○
Mise à part les notifications de live qui s’affichent de manière intempestive sur Instagram, Facebook arrive en tête des réseaux les plus horripilants.
Je me connecte avec parcimonie ces dernières semaines. Faut avaler sa dose de Xanax avant d’ouvrir Facebook et plonger dans ses vanités.
L’utilisation vicieuse de Facebook m’exaspère comme l’envoi en message privé de vidéo ou photo sans mot d’accompagnement. On est déjà rentré de plein fouet dans un monde sans contact – et je ne parle pas de CB – alors si en plus les « amis » ne prennent même plus la peine d’introduire un « Bonjour comment ça va » ou « j’ai pensé à toi je t’envoie ça parce que… blabla« . Non rien. Comme si on te balançait le poivre dans la gueule. « Tiens prends ça, regarde mon contenu bien anxiogène, regarde comme c’est révoltant, comment le gouvernement nous ment, énerve-toi un peu, aie les boules, angoisse, flippe merde ! ». Sans compter les relais d’articles anxiogènes qui polluent notre mental collectif.
Je vous avoue un truc.
Je n’ouvre plus mes messages privés sur Facebook. Plus rien à foutre.
Si les gens veulent vraiment me parler, il y a les SMS, What’s App.
Un des trucs qui me gonfle est la diffusion d’un visuel de « propagande » en superposant 2 images avec 2 phrases à comparer. Ou comment simplifier pour mieux énerver. Du même niveau que Paris Match : « Le choc des photos le poids des mots ».
Un exemple banal parmi tant d’autres :
Similaire à la logique d’un sophisme. Si le procédé est drôle pour une blague, c’est débile, affligeant pour expliquer un phénomène. Ce type de format relève du complotisme, des gens binaires. Le but : que les gens s’énervent ou pleurnichent. Ou comment faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion, neutraliser le sens critique. Pour moi Facebook est le terreau des gens bienveillants ou malveillants, qui utilisent le registre émotionnel pour y implanter des idées et des peurs en étant ravis de le faire.
Oui FB me saoule car c’est le terrain virtuel des égos mal placés, des gens énervés, le jeu des posts les plus minants, des fakes news, des relents complotistes, des rumeurs mais surtout de l’ultracrepidarianisme aigu. Une pratique consistant à donner son avis sur des sujets à propos desquels on n’a aucune compétence (dénoncer les complots orchestrés par l’État et les labos, avoir la critique facile, détenir la solution à tout (masques, dépistage, de traitements…), ne pas comprendre comment le gouvernement n’y a pas pensé avant lui, etc.). Ça vous parle ? Vous en connaissez un ou deux, pas du tout ? En tout cas, j’espère que ces gens seront aussi qualifiés pour sauver la planète le jour où un astéroïde percutera la Terre…
Et puis, il y en a toujours un ou une pour traiter d’idiot celui qui ne pense pas comme lui ou qui n’a pas voté comme lui. En gros, tous les gens qui n’ont pas voté France Insoumise : « Vous êtes des gros nazes, on en est là parce que vous avez voté Macron !« . Ben oui évidemment, les autres auraient fait mieux pour driver cette crise bien franchouillarde. Ils auraient même sauvé la planète entière si la pandémie était mondiale, forcément, hein !
Perso, je n’aimerais faire partie d’aucun gouvernement dans le monde qui doit prendre en urgence des décisions en tenant compte de milliers d’inconnus, touchant des milliards de personnes et sous une pression maximale. Moi… pas capable.
○ Vivement le déconfinement total ○
Je n’arrive pas à voir le bon côté des choses : l’échec du capitalisme, du libéralisme, la baisse de la pollution, les animaux qui batifolent en ville et dans les eaux débarrassées des bateaux, de la hausse des ventes de sextoys, etc. J’ai du mal à me réjouir car la vie est devenue triste. Enfermée, on ne voit personne. Les sorties sont limitées, on flippe de choper le Covid ou de tomber sur un flic zélé. Les gens sont la plupart masqués : un plus pour la santé un moins pour l’ambiance. Le confinement a fait basculer dans une grande précarité certaines populations. La morosité et la négativité règnent. Marre aussi de mal dormir, de voir mon corps prendre du poids. Si j’étais en colère et sidérée au début du confinement par la gestion de la crise, le maintien suicidaire des Municipales, etc., aujourd’hui je suis blasée. M’en fous de la politique.
Je retiens deux choses dans cette pandémie mondiale :
1/ Si « l’effet papillon » avait un certain lyrisme, « l‘effet Pangolin » nettement moins. Mais je mise sur « l’effet Colibri » pour notre Salut . (Non ce n’est pas un message codé).
2/ Et que SI désormais, SI SI !, on peut se mêler de ce que bouffe son voisin. Et qu’il va falloir instaurer un menu international des do et dont’ de l’assiette. Et la Chine n’a qu’à bien se tenir. Je plaisante à peine…
Voilà.
Je sature.
Tout et tout le monde me gonfle au bout de 2 mois de confinement et à J-7.
Je suis très fatiguée.
Et saoulée.
1 commentaire
[…] que j’ai muselé trop longtemps mes envies ? Car le confinement a changé la disquette de mes pensées, remodelant mes habitudes dans le but de supporter évidemment cette prison d’un nouveau […]