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Bore-out ou j’ai un job à la con

par Glose
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J’aime bien cette expression « Job à la con »…
Certains l’attribuent à des jobs vides de sens, d’autres à ceux qui génèrent de l’ennui au bureau.
Le mien ne l’est pas à la base… ennuyeux et « vide de sens ».
Mais il l’est devenu.

 

 

○ Job à la con ou fais ce qu’il te plaît ○


La faute à des nouveaux venus dans ma boîte qui après m’avoir informée qu’il n’y avait plus de projet pour moi (quand on est chef de projet, c’est bien ballot) me disent :

Maintenant, il faut que tu fasses ce qui te plaît de faire. Je n’ai pas à te dire ce que tu dois faire. À toi de prendre des initiatives et faire

Énoncé sibyllin pour une employée comme moi à qui pendant 15 ans on a donné des objectifs et des mission à réaliser.
Ça a l’air beau et plein de générosité lu comme ça, langage start-up et nouvelle économie du kif, toussa. Mais ça cache une toute autre réalité : être coupée de la stratégie de l’entreprise, ne pas être conviée aux réunions. Et quand tu prends des initiatives on te rembarre. Injonction paradoxale, dites-vous ?
Et ton poste finit par se transformer en bullshit job.

 

Traduction de la phrase en citation plus haut : « Bref, fais ce qui te plaît et me fait pas chier« 

 

Des projets il y en a, moins certes, mais il y en a.
Quand un directeur récupère une partie du taf que tu faisais avant, s’accompagnant d’une responsable marketing qui va au-delà de son périmètre d’action, tu as saisis la mise au placard qui « pend au bout de ta chaise ». Et puis, les mecs non équipés de couilles et les nanas fourbes, ça fleurit comme bourgeons au soleil.  La « politesse » est détournée en entreprise pour te plumer doucement mais sûrement car être franc c’est manquer sensiblement de raffinement et de délicatesse. Jamais on ne rentre dans le sujet sensible de ton futur déclassement. On évacue la chose insidieusement. Et puis les couilles c’est moche, faut bien planquer bien tout ça dans son slip. Les sortir ça fait mauvais genre, non ?…

 

○  Alors oui je m’ennuie et je me pose des questions… ○


On m’exclue des tests d’utilisateurs finaux, on oublie de me parler des projets. Je rédige des rapports dont tout le monde se fout, parfois ma boîte de mails est vide. Vide …
On prend une partie de mon job pour le vider de son essence. Mon boss a par la suite une promotion…
Mes deux responsables ont toutes les casquettes et ne veulent pas déléguer. Sauf pour des tâches de merde, on se souvient de bibi. Le boss principal ne répond pas à mes mails, il faut toujours se déplacer dans son bureau pour obtenir une réponse orale et donc jamais écrite. J’ai bien compris qu’ils ne me faisaient pas confiance et doutent de mes capacité. 10 ans que je suis là mais pour eux, loin d’être une richesse, je suis un « produit » périmé.
Toutes mes demandes de formations ont été refusées car elles ne sont utiles et inadaptées (j’étais pas censée faire ce qui me plaît ?). Et de temps en temps, je ne travaille pas mais je m’occupe. (Facebook-Twitter-Instagram, les sauveurs de ma vacuité ambiante. Ou l’inverse… ? :/)

On a tous nos moments de gloires et des moments moins glorieux… n’est-il pas ?

○ Ex deus machina ○


J’ai toujours cru en un deus ex machina pour me sortir de là. Trop bercée durant mon enfance par les happy end à l’américaine qui ne sont que des hydres. Je me suis engluée dans un certain confort, une routine métro-boulot-dodo et un CDI pour acheter un bien immo. La peur du terrifiant fantôme Chômage m’a empêchée de me libérer de mes chaînes invisibles. Parfois je me dis que je suis la reine des privilégiée : pas trop de taf, je fais mes « trucs », j’arrive à 10h, l’ambiance dans l’équipe est bonne. J’ai aussi une liste de « choses à faire au boulot » qui consiste à gagner du temps sur le  temps privé (organisation des vacances, paperasse administrative, etc.). Une somme de petits luxes qui confortent ma façon de fuir la réalité. Mais c’est un leurre, un enlisement qui m’empêche de réagir. Difficile de changer. On s’installe dans un confort et pendant ce temps-là, votre CV se déprécie…

Pas facile d’avoir beaucoup donné pour une entreprise dont on embrassait les valeurs et la philosophie et se sentir végéter , rejeter par ses nouveaux membres. Sujet un peu tabou d’énoncer qu’on a un job à la con dans une société névrosée, criblée par les conséquences du chômage et par des jobs plus utiles mais souvent mal payés. Comment se plaindre ?
Exemples de petites phrases assassines :

– Arrête de te plaindre, tu as un job, c’est déplacé pour ceux qui n’en n’ont pas !

Le mal-être existe aussi mais de l’autre côté de la barrière…

– Tu veux quitter ton job ? On sait ce qu’on perd mais pas ce qu’on gagne. Reste, t’es folle !

Ou les conseils bien avisés qui vous font culpabiliser…

– Tu peux bosser ton blog tranquille, de quoi tu te plains ?

C’est faux : je suis dans un open-space = écran visible. Je suis comme les nouveaux venus dont les postes sont « exposés » et non comme les anciens qui ont récupéré les écrans planqués. Difficile de pianoter librement. Je me retrouve coincée comme un lapin pris dans les phares d’une voiture.

– T’as du travail, le cul sur une chaise, bien au chaud et en plus tu veux t’épanouir dedans ? Mais arrête les films !

Vouloir s’épanouir au travail pour certains constitue une aberration étymologique (référence à la racine latine, je vous laisse chercher…)

○ Aujourd’hui ○


Mais tout ça c’est bientôt fini. Et bien heureusement, le travail n’est pas le reflet de soi.
Car du bore-out je suis passée au burn out. Youpi, tralalala pouet pouet, enfin y a du mouvement dans mon activité professionnelle ! Mais depuis, les lignes ont encore bougé. Parce que ce papier, je l’ai écrit il y a exactement 1 an. Les choses évoluent.
Un déclic, des bons génies, un bon burn out de derrière les fagots, ma voix qui se libère, déballe et crie entre deux sanglots  et l’envie d’attendre s’éclipse pour celui d’agir…

 

« Beaucoup trop payé pour ce que je fais, mais pas assez pour ce que je m’emmerde. »

Daniel Pennac

 

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