Si j’étais paralysée, en sanglot et anéantie par les événements tragiques début janvier, aujourd’hui je réalise avec surprise que je ne suis plus dans le même état d’esprit.
Je n’ai versé aucune larme.
Pourtant les attentats à Paris du 13 novembre sont bien plus proches de moi par la proximité géographique, mes habitudes de sortie et la cible des personnes tombées sous les impacts. « Ça aurait pu être moi » comme répètent certains parisiens et pourtant je n’y ai pas pensé une seconde même si c’est une réalité glaçante.
Peut-être parce qu’il y a une semaine, un pote trentenaire a été brutalement fauché par la mort causé par un AVC et que la veille durant 2 jours, j’avais épuisé mon stock de liquide lacrymal suite à un événement intime dont je voulais témoigner mais qui me paraît actuellement bien dérisoire face à la tragédie.
Pourtant, j’éprouve le besoin de parler de cette soirée-là.
Le 13 novembre au soir, j’avais mal au ventre, je voulais rester allongée chez moi. Mais j’avais besoin de prendre un verre avec une amie suite à cet événement intime cité plus haut. Mon mal de ventre m’avait juste dicté de ne pas aller trop loin donc pas de « Caravane » rue de la Fontaine au Roi, ni de Canal Saint-Martin, ni de rue Bichat, pourtant à 7 minutes à pied. Si je pestais contre mes douleurs, ces derniers m’ont évité de déambuler dans tous les lieux touchés cette nuit à la recherche d’une place.
Je me suis rendue dans un lieu cool proche de chez moi où j’étais sûre d’avoir deux chaises libres un vendredi soir, car ce nouvel établissement n’est pas encore connu : le Passarito.
On était en train de parler d’un éventuel voyage en Birmanie quand mon amie me fit part de ses inquiétudes concernant les dangers et le risque terroriste dans certaines régions. Je lui répondis qu’il y avait bien des zones rouges mais il suffisait de se renseigner avant pour éviter ces no go zones. Je connaissais 3 personnes qui y étaient allées sans le moindre problème. Et ce fut à ce moment-là que le rideau de fer du bar-restaurant tomba comme une sentence. Je demandai au proprio :
– Vous allez bientôt fermé ?!
– Non. Un passant vient de m’avertir de fermer les rideaux. Il y a une fusillade rue Bichat…
Quelle ironie qui montre que finalement la notion de sécurité est bien relative…
Ma première réaction fut la surprise et automatiquement de dérouler mon fil Twitter. On parlait de Stade de France, d’explosion. Sans image avec la difficulté d’actualiser mon fil, je ne comprenais rien.
– « Il se passe quelque chose de grave au Bataclan… », nous disaient nos voisins de table avec qui nous faisions connaissance.
Dans notre « bulle », on essayait de trouver des infos sur les réseaux sociaux, mais mon portable captait très mal. Mon oncle m’appela pour savoir où j’étais et m’informa de ce qui se déroulait à côté de chez moi.
Car aucune annonce n’avait été faite dans le resto mais tout le monde était au courant en parlant à son voisin. La situation était tout à fait normale si ce n’était ce rideau de fer fermé et l’ordre de ne pas sortir. Il commençait à faire très chaud. On sortait par la porte de derrière pour fumer une clope ou prendre l’air. Puis l’effroi nous saisit : prise d’otages au bataclan, les otages seraient abattus un à un. Puis les infos affluaient sur les fusillades rue Bichat, rue de Charonne et rue de la Fontaine au Roi. C’était complètement surréaliste. La prudence nous dictait de se faire petit et de ne pas faire de bruit. Vu que l’établissement était placé à mi-chemin entre les 2 zones d’attentats. Il valait mieux attendre sagement…
Les propriétaires ont été exemplaires pendant ces 5h d’enfermement. Gardant le sourire, sans céder à la panique, ils nous servaient généreusement des verres d’eau et de la bière pour nous rafraîchir mais aussi des gâteaux. Ils avaient aussi mis un peu de musique pour adoucir le climat.
Vers 1h du matin, les choses semblaient se calmer. On est sorti par la porte de derrière au compte-gouttes.
Je vous avoue que je n’ai pas traîné dans la rue, je me suis mise à courir jusqu’à chez moi tandis que mon amie a préféré prendre un taxi pour rentrer chez elle.
Je vis dans l’arrondissement le plus dangereux si on en croit le nombre d’actes terroristes commis.
Oui dangereux car la vie bat son plein.
On aime sortir, s’amuser, s’engueuler, s’enivrer, boire, danser, se retrouver, rire, se « dater », chanter, s’embrasser, et en plus on a l’insolence de vivre ainsi toutes nationalités et confessions confondues. Une insulte suprême pour ces barbares lobotomisés qui ne voient qu’un clan, qu’un dieu et aucune union fraternelle.
J’aime mon 11e arrondissement, ce quartier multicolore et culturel, où chacun est différent par ses convictions mais se respectent. Et je ne bougerais pour rien au monde. Ma façon à moi de combattre, de lutter contre ces obsédés de la terreur et de la mort en continuant à vivre ma vie de parisienne.
En revanche, j’ai perdu mon insouciance, réalisé l’insignifiance des mes soucis, que les choses peuvent s’arrêter violemment du jour au lendemain, consciente que le danger peut frapper là où on ne l’attend pas. Où ne jamais arriver là où il est potentiellement susceptible de toucher.
Raison de plus pour ne pas psychoter et continuer à vivre.
À vite…
4 commentaires
Merci pour ce texte A…
j’avais besoin juste d’écrire quelques mots 🙂
Merci pour ces mots. J’ai ressenti la même chose que toi. Je n’ai pas pleuré, alors que c’était si dur de retenir mes larmes en janvier.
La scène d’horreur au Bataclan était à quelques mètres seulement de chez moi, je l’ai vécue via la télé et twitter.
Le samedi et dimanche, j’ai eu besoin de sortir, de me recueillir et de partager les messages et initiatives dans le quartier.
C’est à la fois terrible mais toutes ces preuves, ces messages sont chargés d’espoir…
Peut être que l’effet de surprise de janvier est passé et qu’on s’attendait tous inconsciemment à des nouveaux événements tragiques. Où on s’est endurci…
Idem, j’ai eu besoin d’aller sur certains de ces lieux le lendemain même…
Je sens aussi paradoxalement beaucoup d’entraide entre français et ça fait du bien…
Merci pour ton commentaire…