À 6 ans 5 jours 17 heures et 26 minutes, je décidai que lorsque je serais grande, je serais romancière.
Point.
Que s’est-il passé à 6 ans 5 jours, 17 heures et 26 minutes ?
Ma mère venait d’achever la lecture à voix haute de « La chèvre de Monsieur Seguin » d’Alphone Daudet, livre offert par ma grand-mère le jour de mon anniversaire.
5 jours plus tôt, j’étais vénère de ne pas avoir eu de poupée. 5 jours plus tard, je découvris que des gens étaient payés pour écrire des histoires…
– « Trop facile ! », m’étais-je dit. « Si c’est comme ça, ce sera mon métier plus tard… ».
Je venais d’entrer au CP, je ne savais pas écrire alors en attendant je dessinais mes histoires sur du papier « informatique à trous » que mon père me ramenait. Puis ensuite l’image fut plus petite, j’écrivais une phrase en-dessous. Mon père s’amusait à les agrafer tous ensemble pour créer mes premiers livres.
Il les a encore…
Mais ma grand-mère aurait mieux fait de m’offrir une poupée…
D’une, elle n’aurait pas frustrée une petite fille de 6 ans le jour-même de son anniv’ et deux, j’aurais évité l’aliénation des décennies durant, de rêver à cette chimère au point d’en être frustrée. Double peine.
Sachez-le : offrir un livre est dangereux.
À 9 ans, je rêvais d’avoir la vie d’Agatha Christie : l’imaginant dans sa maison au bord du Nil en train de taper sur sa Remington pendant que son archéologue de mari faisait ses fouilles. À 11 ans, je me prenais pour la romancière fictive Joan Wilder vivant de sacrées péripétie en Colombie pour son aventurier irascible Jack Colton (À la poursuite du diamant vert). Je voulais vivre de ma passion et avoir un amoureux dont le métier le destinait à voyager. Enfant, je pensais que la vie était simple : une fois qu’on savait ce qu’on voulait faire, on le devenait.
Point barre.
J’avais prodigieusement sous-estimé les obstacles : les gens qui ne lisent plus, la crise de l’industrie du livre, l’armée d’écrivaillons wannabee en souffrance, détenir les bons réseaux, la réalité (1 manuscrit sur 6000 envoyés par la Poste est publié), le style (avoir une super idée c’est bien encore faut-il la rendre intrigante, attrayante, amusante, passionnante, intéressante, palpitante, etc.).
N’arrivant pas à publier mes 2 romans, pensant aussi que finalement je n’avais pas le talent requis pour être appréciée en tant que romancière, j’ai fini par être en colère, triste, etc. Ne voyant plus grand intérêt à la vie, l’enfant en moi étant malheureux, j’ai décidé de le tuer. J’ai fini par aller voir un psy et grandir.
– Qu’est-ce qui vous amène ?
– Un livre. À 6 ans, ma grand-mère m’a offert « La chèvre de Monsieur Seguin ».
Je n’y croyais pas et pourtant à force de parler, la délivrance par la parole m’a fait du bien. Au point qu’un certain nombre de séances ont déraciné une passion qui me prenait aux tripes depuis 32 ans. J’ai l’impression d’avoir vécu les 5 étapes du deuil. Donc si vous suivez bien, j’en suis à l’acceptation.
Aujourd’hui, j’ai arrêté de me mettre bille en tête. Je ressens moins la nécessité vitale d’écrire et je suis passée à la deuxième partie de mes rêves de gosse : le voyage. Sans le chéri. (La thérapie l’a aussi évacué celui-là)
Et je consacre toute mon énergie, celui que j’utilisais pour écrire à rêver, imaginer, à trouver de nouvelles destinations, repousser les frontières et surtout vivre ma propre histoire dans des contrées lointaines. Le voyage est devenu ma nouvelle passion vitale, monopolisant la première place…
Mon souci actuel… c’est que je me gratte souvent devant l’ordi. Sans raison apparente. Le soir, quand j’écris un post pour Glose, ça me prend comme ça. Là par exemple, j’écris ce papier et hop faut que je me gratte la cuisse. Après le ventre et ensuite le cuir chevelu.
Une passion enfouie qui me démange et qui essaie de remonter à la surface ?
Peut-être que je devrais en parler à un archéologue…
Style Marguerite Duras… Ambiance « l’Amant »
(Souvenez-vous du look de Jane March dans « l’Amant » ambiance Mékong. Ça me donne envie de le revoir…)
Photos (c) : VirJni
Prises à l’hôtel shwe inn tha lac inle (Prochain prst à venir…)